Farébersviller, le 9 juillet 1945.

 

Cher Parrain,

 

L’autre jour, quand j’allais à l'école, un camion s’arrêta au milieu du village. C’étaient des rapatriés et justement, notre concitoyen Jules Schweitzer, sa femme et leur bébé qui descendaient du véhicule. En 1943, ils avaient quitté le village comme déportés politiques, avec le vieux papa Schweitzer, âgé de 79 ans.

Les voilà revenus. Les habitants du village leur serrent la main et pleurent de joie. Mais hélas, en levant les yeux, papa Schweitzer voit sa maison totalement détruite, il n’en restait plus une pierre. Alors, il pleura à haute voix et tout le monde pleurait avec lui. L’aïeul regarda encore une fois la place où se trouvait sa propriété, puis il se détourna en s’appuyant sur son bâton noueux. Heureux qu’il est d'être de retour et que les Allemands ont quitté notre chère Lorraine pour de bon. Il ajouta: « Je m’en vais chez nous », et il partit dans son village natal, à vingt kilomètres de Farébersviller. Son fils avec sa petite famille s’installa dans la salle des garçons de l’école.

Papa Schweitzer est revenu ces jours-ci dans le village. Il veut recommencer à faire la culture. Samedi, ils ont obtenu un cheval à Metz, mais ils n’ont pas de place pour loger leur foin. Et quand l’instituteur reviendra et reprendra sa classe, où iront alors ces pauvres gens ?

Pendant la bataille en 1940, nous avons perdu notre maison. Pourtant, personne ne se plaint. Nous voulons bien faire des sacrifices, puisque les Allemands sont partis.

Cher parrain, de notre chère France, de notre chère Lorraine, je vous envoie mon meilleur baiser.

 

Votre filleul Edmond Cehovin, 12 ans.