Farébersviller, le 9 juillet 1945.

 

Chère Marraine,

 

J’habite le moulin, à un kilomètre du village.

Un autre monsieur du village, réfugié avec sa famille dans notre cave, les a conduits à la grange et au grenier. Ils voulaient vérifier s'il n’y avait plus de Boches. Ma mère leur a offert de la goutte et du vin. Après cela, ils sont repartis faire la poursuite des Allemands. Ils étaient à peu près cinq cents soldats. Une heure après, ils nous ont ramené un blessé, c’était un officier. Il avait une blessure à la jambe droite. Il y avait un médecin avec eux et un infirmier.Le 28 novembre, quatorze heures, après une longue canonnade, les premiers Américains sont entrés chez nous. C’était une très grande joie pour moi, ainsi que pour mon père et ma mère. Ils sont venus en patrouilles par devant et par derrière dans la maison, où mon père les a reçus en amis. Il leur a fait voit toutes les chambres.


Dans la nuit, toujours sous la pluie d’obus, ils amenaient d’autres soldats plus ou moins gravement blessés. Nous les avons gardés chez nous pendant quatre jours et ma mère a fait son possible pour eux. Le cinquième jour, ils les ont portés à travers le ruisseau et au-delà du chemin de fer à l’arrière-poste. En partant, ils nous ont récompensé et ils nous ont serré la main très cordialement.

Le 4 décembre, il y avait de sept à neuf heures un combat très violent : c’est là que les braves soldats américains ont repoussé l’ennemi et que notre contrée a été complètement libérée des Allemands.

Il y avait quelques familles dans le tunnel, sous le chemin de fer, pendant quatre semaines. Ils avaient barricadé les deux extrémités du tunnel avec des traverses de bois. Ils n’avaient presque plus rien à manger et nous les avons ravitaillés comme nous pouvions.

Une petite compagne de classe, mon amie Marie-Louise quittait quelquefois le tunnel pour venir dans notre cave où nous étions bien installés. J’aurais été contente si j’avais eu mes quatre frères avec moi pendant ces heures dangereuses. Les Nazis les avaient déportés en Silésie, parce qu’ils avaient refusé de servir dans l’armée allemande et qu’ils s’entêtaient à répéter: « Nous sommes Français ! ».

Quand je suis allée la première fois au village, j’ai constaté un grand changement : les maisons étaient détruites en grand nombre et les ponts avaient sauté. Notre pauvre village avait déjà tellement souffert en 1940 à l'avance des Boches. Il y avait des morts et des blessés des deux côtés, ainsi que des civils.

Je termine ma lettre, chère marraine, avec les meilleures salutations et en vous embrassant bien fort.

 

 

Thérèse Breidt, 14 ans.