Farébersviller, le 9 juillet 1945.

 

Chère Petite Cousine,

 

Tu es étonnée de ce que nous vivons encore, après cette grande bataille à Farébersviller. Sais-tu où nous étions ? Quand les premiers obus tombaient au village, le 28 novembre, nous ne voulions plus rester dans notre maison située en-dehors du village.

Avec quatre autres familles, nous sommes allés sous la ligne du chemin de fer, à mi-chemin de Cocheren. Là, il y a un petit pont-tunnel par où s’écoule l’eau venue de la colline.

Les premiers jours, nous n’étions pas trop mal : nous dormions sur la paille et nos couvertures nous tenaient chaud. Mais, oh malheur, après quatre jours, la pluie s’est mise à tomber à verse et l’eau envahissait notre refuge. Que faire ? Retourner au village ? Cela était impossible, les obus sifflaient et tombaient toujours plus nombreux autour de nous. Nos hommes trouvaient une solution : au moulin, à quelque distance de là, ils recevaient des planches, et nous faisions une sorte d’échafaudage, où nous avons été étendus plus de quinze jours, car notre logement était devenu trop bas et trop petit. On ne pouvait plus même se tenir assis. Et la canonnade devenait toujours pire. Malgré cela, les hommes retournaient au village presque tous les jours pour fourrager les bêtes affamées dans les étables. Pourtant, les derniers jours avant la Libération, il n’y avait plus moyen de se risquer dehors. Nous ne faisions plus que réciter le chapelet. Et la Sainte Vierge nous a protégés tous.

Quand nous sommes retournés au village, je ne me reconnaissais presque plus. Plus aucune fenêtre aux maisons, plus de portes, nous passions sur les décombres. Ici, il y avait une rangée de maisons incendiées, là-bas, d’autres maisons s'étaient écroulées.

Chez nous, papa fermait portes et fenêtres avec du carton, car il faisait très froid, c’était en plein hiver

.Mais nous étions si heureux : La guerre était finie et nos Libérateurs me donnaient du chocolat.

Chère petite cousine, je t’embrasse bien bien fort.

Ta cousine, Marie-Louise Muller.

 

 

N.B. La grande soeur de Marie-Louise, Jeanne Muller, est morte le 17 juillet 1945, à l’âge de 21 ans, suite aux conditions de vie endurées dans leur abri tellement humide.