Blesz Marcel

Le 12 janvier 1943, deux jours avant mon anniversaire, eut lieu la rafle des mineurs. Six jours plus tard, un autobus nous attendait ce matin-là dans les rues sombres du village. Un policier, dès 6 heures du matin, en cognant fortement sur la porte d’entrée, nous dit de nous préparer au départ : « Paquetage minimum, vous avez une heure pour faire votre valise ! ».

Vite, nous empaquetâmes quelques habits, de la nourriture et notre argent sous la surveillance du policier cerbère : « Ouste, vous allez en France ! ». Le car avait récupéré les familles suivantes : Siebenschuh Alphonse avec femme et enfants, les familles Bour Jean et Franz, Boulanger Rodolphe, ma famille….On nous dirigea vers Metz. « Ouf ! pensions-nous, nous allons effectivement émigrer vers la France ». L’illusion fut de courte durée. Un train nous y attendait. Le premier wagon était truffé de gardes allemands. Clic ! clac ! Les portes de nos wagons furent verrouillées et le train nous emporta vers Trèves. Le voyage dura toute la nuit. Vers midi, au hasard d’une des gares de passage, nous fûmes restaurés avec de la Bunkersuppe, un liquide insipide bu dans des gamelles.

1) Le voyage s’arrêta d’abord à Mittelsheim en Basse Silésie.

Le transfert nous ramena dans un ancien couvent gardé par des S.S. Durant mon séjour de deux semaines, je fus ausculté sous tous les angles, catalogué d’après mon profil (les Allemands m’avaient présenté toute une série de silhouettes faciales) et j’eus droit à quelques piqûres. Bientôt, nous fûmes répartis par profession. Grâce à mon savoir-faire, je partis travailler chez un menuisier. On me mit en garde : surtout pas de sabotage à la menuiserie, encore moins à la scierie ou dans les fermes des alentours ! Chacun d’entre nous était discrètement surveillé.
La nourriture était spartiate : une tranche de Komissbrot (une deuxième pour les travailleurs) sur laquelle on écrasait une fine couche de confiture, d’ailleurs raclée pour en étaler le reste sur la 2ème tranche, le tout étant accompagné d’un gobelet de « thé » noir. A midi, du potage à toutes les sauces (orge perlée, raves, rutabagas).

A chaque fin de semaine, un lot impressionnant de planches à ski était expédié vers la Norvège et les monts du Caucase….

2) J’atterris ensuite à Bentkau, près de Trepnitz.

Le commandant du Lager nous signala d’entrée : « Ici, tout le monde travaille, il n’y a pas de place pour les fainéants. Vous les dames, même celles qui ont des enfants, (vous les confierez à vos connaissances plus âgées), je veux vous voir au travail ! ».

Je travaillais avec un Slovène de Zagreb à la réalisation de lits destinés aux familles démunies, victimes des bombardements dans la Ruhr.

3) La 3ème fois, on m’affecta chez un menuisier à Striegau.

Quelle désolation ! Il fallut ériger nous-mêmes notre camp et monter les baraques mobiles. Je dus raboter, rectifier et remplacer les planches manquantes. Le camp fut bientôt ceinturé d’une palissade constituée d’un grillage de deux mètres de haut sur laquelle couraient encore trois rangées de barbelés.

En attendant notre installation, nous logions à l’étroit dans un couvent désaffecté. De grandes salles servaient de dortoirs et accueillaient chaque fois plus de 100 personnes par pièce. Quelle promiscuité ! Seul un petit passage permettait aux locataires de se faufiler entre les châlits superposés. Un lavoir commun accueillait tout ce monde. Quelques W.C. servaient de trônes éjectables. Il fallait sans cesse se dépêcher pour être le plus rapide chaque matin. Une odeur écœurante et sentant mille boucs vous asphyxiait dès le retour en chambrée. Je fabriquais ici des portes à gogo, destinées à remplacer toutes celles volatilisées par les souffles des bombardements aériens.

4) Je partis enfin à Schoenborn remonter des fauteuils avec des pièces usinées.

 

A  la mi-janvier 45, les Russes nous emmenèrent…..  jusqu’à Berditschew ! Je revins au pays le 27 juillet 1945.