Madame Siebert Mathilde+

 

Parce que l’artillerie U.S. battait en continu le village, mon mari, ma fille Colette et moi-même, partîmes au moulin Breidt bâti en fond de la vallée : notre cave avec sa trappe nous apparaissait bien vulnérable.

Mme Breidt s’est avérée être une vraie samaritaine lorsque sa maison fut submergée de blessés U.S. en tout genre, ramenés du Winterberg où se déroulaient sans arrêt des contre-attaques sanglantes. Ses deux meilleures chambres, à l’avant, servaient d’infirmeries. Sa chaude cuisine était prise d’assaut par les soldats frigorifiés par la froide et incessante pluie de novembre. Elle leur préparait, jour et nuit, du café qui était emmené dans les tranchées boueuses tenues par les sentinelles en alerte constante. Mon mari Jacques (Jacob) était intenable et un vrai trompe-la-mort. Je le suppliais de ne pas se mêler à ces affrontements et de penser à nos deux filles. Il faut dire qu’il était constamment sollicité par les G.I.’s pour aller espionner et ramener des nouvelles du village. Tous les jours, il osait s’aventurer dans le no man’s land, parfois avec un drapeau blanc pour ne pas être pris pour cible par les Allemands qui tenaient les hauteurs du village. Bien sûr, il en profitait pour nourrir sa chèvre et la vache (qui avaient toutes les deux, rompu leurs chaînes et batifolaient dans les rues du village). Un voisin compatissant, le Poté Egloff, les avait, à l’occasion d’une accalmie, à nouveau attachées. Et mon mari, après avoir soigné ses bêtes, s’attardait chez les Egloff pour connaître en passant, les mouvements des troupes allemandes. Ses renseignements étaient, semble-t-il, si précieux, qu’il fut vite adopté par la section américaine et partit même brancarder les blessés de la côte 316 ! Installé sous le toit, il soulevait prudemment les tuiles et nous commentait l’âpre combat qui se déroulait dans les vergers de la Hell.

Il allait également voir les familles Houllé et Muller établies dans le tunnel.

Notre peur était constante. Que feraient de nous les Allemands, pour notre aide subversive envers les blessés américains ? Les S.S. apparaissaient aux Amiss’ comme des furies indomptables, des casse-cous intrépides, auxquels il ne fallait pas trop se frictionner !

 


Les G.I.’s avaient d’ailleurs eux-mêmes très peur ; ils redoutaient toujours une possible contre-attaque qui les auraient culbutés sur l’autre versant, le Kneebusch que les S.S. venaient de quitter quelques jours auparavant. Les tranchées creusées dans le terrain pierreux en témoignaient, tout comme leur présence nocturne dans les étables du moulin où ils avaient dormi l’avant-veille des affrontements. Ils connaissaient donc les lieux, il fallait s’attendre au pire avec ces diables-là !