Madame veuve Billong Juliette, née Melling

 

A l’époque du creusement des tranchées, je n’ai pas eu besoin d’aller schanzen, car je m’occupais de madame Bour Marcel, bien malade. Je la soignais et lui lavais le linge.

Nous eûmes un soir la visite de la Gestapo, venue appréhender ma sœur Lydia qui avait prêté des habits civils à deux déserteurs  et qui, une fois repris, la dénoncèrent.

Lorsque les S.S. sonnèrent à la porte, maman, rapide comme l’éclair, avait fait disparaître l’échine du cochon sous un monceau de linge. Moi-même, avalant les marches, j’eus la présence d’esprit d’enfouir deux jambons sous la paille. «Wo ist die Lydia ? Sie ist verhaftet ».

Enfourchant mon vélo, je fonçai à toute vitesse à Théding, récupérer papa, parti se faire couper les cheveux. Revenu chez lui, il eut toutes les peines du monde à convaincre ces damnés personnages de quitter les lieux. «J’ai trois fils dans la Wehrmacht, tous au front, l’un est porté disparu, et vous venez encore appréhender ma fille ! Quelle ingratitude ! ». Ils s’en allèrent confus.

Je fus, par ailleurs, témoin d’un mitraillage de camions allemands. Un avion U.S. avait fait feu sur les équipages allemands qui s’étaient éparpillés sous les arbres de la Hell (versant de colline située rue des Moulins, après le pont SNCF). Un malheureux conducteur hurlait sa douleur, sous un moteur de camion, les viscères éclatés. Il y eut 5 morts ce jour-là.

Aloyse Muller a, dans son témoignage, évoqué son séjour dans notre cave où logeaient les familles Houselstein (3),  Koch (4), Houllé Peter (3), Wagner Robert (4). La petite Jeanne Muller était également venue, ne supportant plus le froid glacial du tunnel et luttant déjà contre la maladie qui allait inexorablement la condamner. Kleinhentz Marie-Louise passa également une ou deux nuits chez nous. (cf. son témoignage).

Notre cave était solidement étayée par des traverses de chemin de fer.

Le 4 décembre 1944, nous fûmes intrigués par des bruits provenant de l’intérieur de la maison. Des soldats U.S. s’étaient installés chez nous pour émettredes signaux par radio.

Plus tard, notre salle à manger devint un guichet provisoire de gare, lors du séjour prolongé des Américains. Mon père, qui était cheminot, se vit nommé pour quelques semaines, chef de gare !

Un G.I. nommé Arlett était un chic type : il nous a même donné des dollars. D’autres nous distribuaient des savons.  En contrepartie, on leur lavait le linge.

 

Je garde cependant quelques mauvais souvenirs. Un soir, deux boys vinrent importuner ma sœur Lydia et moi-même. Mon père les jeta à la porte. Une autre fois, rue des Moulins, des soldats irresponsables tendirent une ficelle en travers de la chaussée et je fis un vol plané en bicyclette sous le rire imbécile de leurs auteurs. Une large estafilade barrait mon genou et j’en garde encore la cicatrice.