30ans5pmLe XVIIème siècle devait être la période la plus terrible de l’histoire de Farébersviller et de la Lorraine. Jusqu’aux alentours de l’an 1630, le Duché avait d’abord été épargné par le désastreux conflit que la postérité allait retenir sous le nom de « Guerre de Trente Ans ». Le but n’est pas ici de disserter sur les origines et le déroulement de cette guerre (1618-1648) dont le lecteur trouvera dans les ouvrages fondamentaux la chronologie et les péripéties qui l’émaillèrent.

 

Cependant pour l’intelligence des faits qui seront rapportés ici, certains rappels doivent en être précisés.

 

La Lorraine septentrionale vécut de 1632 à 1662 une période épouvantable causée à la fois par sa situation géographique frontalière avec l’Empire et par la désastreuse politique extérieure du Duc Charles IV.

 

Ce dernier, proche de l’Empereur, provoqua à diverses reprises son puissant voisin français, donnant à ce dernier des prétextes pour occuper le duché pour le plus grand malheur des populations lorraines livrées pendant 30 ans à la discrétion de toutes les armées d’Europe.

 

 

 

1) Prélude au désastre (1631-1634)

 

L’alourdissement de la fiscalité avec les impositions exceptionnelles de 1628 et de 1630 ainsi que les emprunts communaux pour régler l’imposition impériale que le Duc avait avancée et pour laquelle chaque feu (foyer) devait verser 10 francs 5 gros 12 deniers accentuent le déclin du village.

 

Suite aux épidémies (pestes et typhus) qui sévissent dans la région, la démographie locale connaît une chute de nombre de foyers fiscaux qui tombe de 37 à 22. L’endettement des particuliers dit long sur le contexte économique général. Les mouvements des troupes aux frontières, les levées d’hommes bouleversent la vie quotidienne.

 

En 1634, les Farébersvillois et les autres habitants de la seigneurie sont réquisitionnés par les troupes de Richelieu pour démanteler le château de Hombourg-Haut tandis que la famille ducale est en fuite.

 

 

 

2) L’apocalypse

 

De normales, les choses changent en l’an 1635 car la région va être livrée à la soldatesque pour des décennies. Composées de mercenaires vivant sur le pays, habituées au pillage, aux meurtres et à l’impunité, les armées d’alors constituent une catastrophe pour les régions qu’elles traversent.

 

Le 23 mars 1635, le receveur de la gruerie de Saint-Avold explique l’absence de l’argent de la glandée de Farébersviller à cause de la contagion qui règne depuis août dernier. On sait par d’autres documents que la peste de 1635 emportait des familles entières en quelques jours et que dans les cimetières on creusait des fosses communes pour des dizaines de corps. Le fléau s’éternisa en 1636-37.

 

Avec les malheurs de la Grande Peste débuta une terrible guerre avec les troupes de Gallas qui détruisirent de nombreuses localités de fond en comble.

 

Gallas, général impérial du Duc de Lorraine, ainsi que les Suédois alliés des Français, tous devaient contribuer de faire de Farébersviller un champ de ruines au cours des années 1635-36.

 

Au printemps de 1635, une armée suédoise sous les ordres de Bernard de Saxe-Weimar campait dans la vallée de la Rosselle aux environs de Hombourg-Haut et de Freyming où devait la rejoindre fin juillet une armée française.

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Toute la région fut l’objet de pillages et d’exactions en tout genre.

Les Franco-Suédois, une fois leur jonction faite, s’enfoncèrent dans l’Empire mais leur séjour à Farébersviller avait laissé le village sans ressources (les troupes avaient exigé d’être nourries sous peine d’anéantissement). Des prêtres jouèrent les intermédiaires pour éviter la destruction radicale des localités.

En septembre 1635, Français et Suédois repassent par la seigneurie cette fois talonnés par l’armée impériale sous les ordres de Gallas, personnage bientôt tristement célèbre en Lorraine. Les troupes de Gallas étaient composées de troupes recrutées dans toute l’Europe, et jusqu’en Croatie : les Cravattes !

Aux environs de la Saint-Michel (29 septembre), les Impériaux mirent le siège devant Saint-Avold : tous les villages des alentours furent systématiquement pillés et incendiés et les habitants horriblement maltraités.

Devant l’abondance des témoignages, retenons la chronique de J. Bauchez, greffier à Plappeville qui décrit les scènes que les malheureux Farébersvillois qui avaient échappé à la peste, durent supporter :

Au reste, les hommes, femmes, filles, enfants qu’ils rencontroient, ils les mettaient à martir, les ung couppoient la langue, les bras, les génitoires, les autres ils les pendoient à la fumée, autres qu’ils leur faisaient boire du chin (purin) de vache, 3 ou 4 seaulx, puis ils sautoient sur le ventre des pauvres patients pour les crever…

1636 : Les chemins où ces nations estrangères passoient, estoient tout parsemés de corps morts, l’un étoit crevé, l’aultre rosti, l’un la teste coupée, l’autre la langue, les bras jetés l’un çà et l’autre là, les pendant les pieds en hault ès cheminées, les faisant mourir à l’estoufé de la fumée, les autres morts dans des fours. Après que ces malings les avoient chauffez, ils les jettoient dedans tout vifs pour les rançonner….

Ce que Mars (les troupes) entretuent de ses actes meschants

accommodent ainsi les pauvres gens des champs.

Ils les font prisonniers, ils bruslent leurs villages,

Et sur le bestail mesme exercent des ravages.

Sans que la peur des Loix non plus que le devoir

Ny les pleurs et les cris puissent émouvoir.

Voilà les beaux exploits de ces cœurs inhumains.

Ils ravagent partout, rien neschappe à leurs mains.

L’un pour avoir de l’or invente des supplices

L’autre à mil forfaits anisme les complices,

Et tous d’un mesme accord commettent meschamment

Le vol, le rapt, le meurtre, le violentement….

A la lumière de différents documents compulsés, on peut avancer que Farébersviller a été détruite entièrement à l’automne 1635 par les Impériaux qui ont sans doute parachevé l’œuvre des Suédois. C’est sans doute pour échapper à l’anéantissement total que la population de Farébersviller, emportant tout ce qui lui restait, à cherché refuge derrière les remparts du château de Hombourg.

L’année 1636 n’a livré qu’un seul document relatif à Farébersviller d’autant plus précieux que les habitants disparaissent ensuite des archives pendant une demi-douzaine d’années : c’est l’époque où la population du village s’était réfugiée derrière les murailles de la châtellenie de Hombourg-haut avec tous ses biens, chevaux, vaches et porcs ainsi que les femmes et les enfants moyennant une somme de 200 francs qu’ils durent verser en 1635 et qui représentaient la part à verser pour les livraisons de pain, de viande et de vin fournies à des troupes suédoises campées non loin de la ville par ailleurs déjà « protégée » -moyennant finances là aussi-, par les troupes du roi de France !

A cet effet, la Hans Maÿer, haut maÿre, Michel Metzinger, maire commis et Georges Simetten tous agissant pour la communauté empruntèrent par devant Simon Lignarius greffier de justice à Peter Becker de Hombourg-Haut une somme de 40 francs pour le compte de la communauté et 30 francs pour le maire commis. En 1644, cette somme n’est toujours pas remboursée.

Le 21 mai 1643, Farébersviller réapparaît pour la première fois dans les documents d’archives.

Pierre d’Itheau, Gouverneur de Boulay pour le compte d’Henriette de Lorraine, princesse de Phalsbourg, envoya deux enquêteurs visiter les lieux, lui-même ne s’y hasardant pas, car dans les villages éloignés de Saint-Avold, écrivait-il, abordent ordinairement toutes sortes de parties (groupes de soldats) qui courent et ravagent le pays et font prisonniers tous ceulx qu’ils rencontrent sans distinction. Les renseignements rapportés montrent l’état pitoyable du village. On y dénombrait à peine 4 feux et demi (une vingtaine d’habitants). La moitresse et la presque totalité des maisons était en ruines et les moulins ne valaient guère mieux. Le moulin-bas est qualifié de ruiné entièrement pour avoir esté bruslé et réduit à néant, ny ayant rien que les cendres couvertes de buissons... La tradition orale rapporte qu’à l’actuel emplacement de la maison Kirch-Bour, un cerisier bien charpenté avait carrément poussé dans les murs effondrés de la maisonnée ravagée de l’époque.

Le journal du Prieur du Couvent de Longeville-lès-Saint-Avold, Dom Cassien Bigot, relate l’apparition de cannibalisme, les meutes de loups rôdant dans les villages désertés, dévorant les cadavres laissés sans sépulture, arrachant les autres à la terre des cimetières…Les rares habitants de la région étaient si hâves et si défaicts qu’on les prendroit pour des squelettes et anatomies. Une partie des Farébersvillois avait pris le chemin de l’exil vers des régions et des villes moins exposées, comme Luxembourg ou Cologne.

En 1662, lorsque le retour de la paix fut enfin effectif dans la région de Saint-Avold, Farébersviller n’était plus que l’ombre de ce qu’il avait été vers 1625-1630.

Une trentaine d’habitants pauvres et couverts de dettes, quelques masures plus ou moins réfectionnées au milieu de murs calcinés, des écuries et des granges vides, les champs couverts de broussailles depuis des décennies, voilà ce qui restait d’un village jadis prospère ! Les réquisitions de bétail, l’insécurité et l’abandon des terres avaient pratiquement vidé les écuries ou ce qui en restait, et couvert les champs de haies et de buissons. Seuls les porcs prospéraient dans ces grandes étendues où ils pouvaient se nourrir en toute quiétude puisque désormais la plupart des propriétaires des champs étaient morts et l’administration forestière pratiquement impuissante. On dénombrait 48 porcs à Farébersviller en 1662, ils étaient 102 l’année suivante et 112 en 1680.

En 1690, Laurent Egloff fait cette intéressante déposition : la feste de leur village tombe le dimanche après la décollation de Saint Jean, qu’ils ont certains prés dans le village qu’ils tiennent enbannés (=interdits d’accès) jusqu’au jour de ladite feste, lesquels ils ferment pour y mettre le bestail affin que tout le monde puisse aller à l’église le jour de ladite feste.