Spitz Joseph

 

Assis au fond de la classe, le maître (Herr Lehrer) ne m’accordait aucun regard. J’étais catalogué comme irrécupérable et les Umschulungslektionnen (leçons de recyclage et de formation historique ou politique) n’avaient aucune prise sur moi. Je subissais le moule allemand et peu m’importait de devoir connaître sur le bout des doigts le parcours d’Adolf Hitler né le 22 avril 1889 à Braunau sur Inn en Autriche, caporal gazé et titulaire de la croix de fer, etc...

Cet enseignant a sans doute été averti par le Lagerführer de mon attitude irrévérencieuse pour port de béret basque. Au cours d’un discours, le chef de camp, en effet, m’avait demandé d’enlever la Basquen Mütze. Je ne connaissais pas cette expression et, l’air dubitatif, je le fixais attendant de sa part une autre explication. Celle-ci vint sous forme d’une claque monumentale assénée par une patte d’ours qui m’envoya valser vers le radiateur et fit déguerpir l’auditoire. 

« A bas ton béret d’âne, ce couvre-chef ridicule dépassé par les évènements » hurla-t-il en me jetant en bas des escaliers et en trépignant mon dos.

« Tu verras, avec la leçon mémorable que je t’administre, que tu t’adapteras vite au casque allemand, sale blondinet ! ».

Le nez pissant le sang, je me raidis sous la douleur et fis semblant de tomber en syncope. Il s’arrêta alors de me brutaliser. Ma mère et les voisins revenus sur les lieux de la correction m’emportèrent au lit où je mis huit jours à récupérer. 

Maman alla se plaindre en haut lieu. «Vous voulez subir la même chose ? Non ! alors déguerpissez ! ».