Farébersviller, le 9 juillet 1945.

 

Ma chère Marraine,

 

Si tu venais chez nous, tu ne connaîtrais plus le village. Comme tu sais, nous habitons dans la maison Gally. Avant la guerre, il y avait trois rangées de maisons qui nous barraient la vue sur la route principale. Maintenant, toutes ces maisons ont disparu. Il ne reste que la maison Mertz et celle-là a été très abîmée par les obus.

Il y a trois ans, il y avait encore les ruines de ces maisons, les tas de pierres. Mais les Allemands ont enlevé tout. Ils ont dit que le village sera déplacé, ce serait plus tard un village allemand modèle. Maintenant, c’est une grande place vide, les gens ne retrouvent plus l’endroit où ils habitaient. L’herbe et les orties poussent partout. C’est si triste. Les pauvres gens qui reviennent des camps allemands ne savent pas où ils doivent habiter, où ils peuvent mettre le foin.

Nous avons encore notre petit logement, mais les meubles sont cassés. Pendant la bataille, quand nous étions dans la cave, les Allemands ont jeté des grenades dans notre cuisine. Vingt soldats allemands y ont été faits prisonniers. Nos deux armoires, la chaise longue et le plafond sont détruits.

J’étais si contente quand nous avons vu les premiers Américains. Nous avons tellement prié dans la cave. Nous sommes heureux d’avoir retrouvé notre chère France.

Sais-tu, chère marraine, que l'année dernière les SS ont battu mon papa parce qu’il ne voulait pas saluer leur drapeau. Il saignait et était bleu partout.

Je t’embrasse bien cordialement.

 

 

Ta filleule Germaine Gries, 11 ans.