Muller Aloyse
Désœuvré, je faisais chaque jour le « tour de France » dans le village. De chez moi, je partais en direction du café Lacour, puis longeant le presbytère, salut !, je passais à l’école apporter comme le facteur des nouvelles aux gens rassemblés dans la cave.
« Tiens, voilà le rapporteur !», disait-on amusé dans la maison Flauss, près de l’église. Puis, je filais, en dévalant le Bureweg vers la maison Melling.
Un jour, alors que je me faufilais par la ruelle de l’église vers la rue des Moulins, le staccato espacé d’un avion renifleur américain m’alerta à bon escient.
Il signalait aux artilleurs un réglage à vue sur des objectifs à atteindre. Leur tir ne se fit pas attendre. Une grêle de feu tomba sur moi ; je me planquais tout au long de mon itinéraire.
Arrivé, haletant, sous le pont SNCF, un 6ème sens m’alerta lorsqu’une pierre du parapet tomba sous mes yeux. Vif comme l’éclair, je me ruai sous la travée, vers l’abri des Melling. Au même moment, je fus soufflé par une énorme explosion et le pont s’écroula dans un fracas assourdissant. Les Allemands avaient eu l’idée géniale d’actionner les détonateurs du pont miné !
Sans doute craignaient-ils d’un moment à l’autre l’irruption ennemie. J’habitais en face du café Lacour lorsque les Américains arrivèrent. Tel un jeu d’enfant, leur bulldozer rejeta sur les bas-côtés l’énorme barricade faite de troncs d’arbres (cf. témoignage Justin Thirion). Ils installèrent devant chez nous un stock impressionnant de matériels divers, surtout les jerrycans d’essence. Non loin de là, la popote U.S. avait pris ses quartiers d’hiver.