Madame Tilly Désirée, née Thouvenin

 

Avant les combats : J’ai de vagues souvenirs à raconter. A sept ans, on a une vision bien floue des événements de l’époque. Ce sont surtout les avions qui m’ont impressionnée et marquée. Nous jouions dans la Feldschir (hangar) près du ruisseau lorsque des avions nous survolèrent, prêts à tirer. La présence innocente des enfants a dû apitoyer les pilotes alliés qui n’ont pas usé de leurs mitrailleuses.


Lors de l’arrachage de pommes de terre dans la Wasserbrücke, des avions nous survolèrent comme des furies. Nous nous cachâmes derrière les arbres du ruisseau pendant que mon frère Aloyse, bien courageux, allait rameuter les vaches affolées par le bruit assourdissant des machines volantes.

 

Combats : Nous étions trois familles à loger dans la cave de la vieille école (les familles Bour, Paul et Thouvenin). Mon père logeait seul dans la maison Wagner Nicolas où il s’occupait de ses vaches. Mû par un pressentiment, il descendit dans la cave au moment où un obus ébranlait grange et cuisine. La statue du Sacré-Coeur de Jésus fut pulvérisée, celle de la Vierge Marie resta intacte. (Depuis cet événement, nous la gardons précieusement comme une relique).

Ma mère, ce jour-là, revenait de la traite et remontait vers l’école. Elle dut plusieurs fois s’aplatir contre les murs des maisons. Lorsque les Américains vinrent le 4 décembre, dans notre cave l’ensemble des personnes présentes cria :« civils, civils ! ».

 

Circonstances de la mort de mon frère

Ce sont des bribes de souvenirs ramassés par la famille. Des témoins peu crédibles de l’époque, tous absents au moment de l’explosion, ont échafaudé des hypothèses sur les circonstances du drame. L’un ou l’autre ne prétendait-il pas que la victime avait pu toucher une grenade. C’est peu vraisemblable puisque le haut du corps était intact. Par contre, il est certain que mon frère a marché sur une mine piégée cachée dans la marche de l’escalier menant aux W.C. de l’école des garçons. Son bas-ventre et ses membres inférieurs étaient atrocement atteints. Il fut très courageux devant ses blessures. Maman, au contraire, s’évanouit, brisée par l’émotion.

Une ambulance américaine l’emmena d’urgence vers un hôpital, nous supposions celui de Nancy, car durant cinq ou six semaines, nous n’eûmes aucune nouvelle. Un fragile espoir subsistait : avait-il été transféré en Amérique ? Nous entreprîmes des démarches pour le retrouver là-bas. Mais un jour, quelqu’un nous avisa qu’une croix mentionnant le nom de Tilly Aloyse était dressée dans le cimetière de Saint-Avold.

 

Le corps fut exhumé et repose depuis au cimetière de Farébersviller.