Geisler Emile

Le 29 novembre 1944, un incendie transforma en brasier la maison Chenot dans laquelle logeaient plusieurs familles (Kalfous Nicolas, Formery, Geisler).


Ce matin-là en effet, trois canons automoteurs allemands avaient remonté le village. Ayant constaté que vingt-cinq Américains s’étaient cachés dans notre cave (dont un, gravement blessé au ventre) les tankistes tirèrent des obus incendiaires dans la grange. Le fourrage s’enflamma au milieu des vaches ; quelques-unes gisaient les quatre fers en l’air. D’autres meuglaient à l’extrême. Bientôt, la fournaise ardente carbonisa littéralement les pauvres bêtes entravées qui, la furie décuplée, essayèrent vainement de s’arracher de leurs chaînes.

Les poules s’enflammèrent comme des queues de comètes et retombèrent agonisantes dans les allées embrumées de fumée. Nous refluâmes en désordre vers la cave. Des brandons incandescents tombaient sur nous, l’escalier en bois prenait feu. Mon père, croyant notre dernière heure arrivée, nous enveloppa d’une couverture.

La production dense des fumées asphyxiantes nous obligea à nous frayer un chemin infernal dans le dédale des pièces pour retrouver l’air libre. Les S.S. nous attendaient au seuil de la porte annexe près de la maison de Mertz, qui brûlait également. Ils nous recommandèrent de nous esquiver par le Bureweg, les murs d’empierrement des jardins constituant un abri contre les tirs américains. Je ne sais ce qu’il advint des 25 soldats U.S..

Ma mère qui avait pu se cacher auparavant dans la cave voûtée du presbytère pensait que nous avions tous péri dans l’incendie. Elle récupéra dans les décombres des os qu’elle supposait provenir de squelettes humains (en fait les malheureuses vaches). Grande fut sa joie lorsqu’elle apprit un peu plus tard que nous avions trouvé refuge dans la maison des Melling.