A l’heure de l’armistice, Edouard Bled le fameux redresseur orthographique de la langue française, fait ses premiers pas de pédagogue à Farébersviller.

 

« Au début de décembre, un détachement partit pour la Loraine. Je vis à Metz et sa gare monumentale, imposante comme une forteresse. Nous séjournâmes quelques semaines à Farébersviller, long village-rue, proche de Forbach, avec ses tas de fumier devant les maisons. Bien que la langue usuelle des habitants fût un dialecte germanique, la plupart parlaient français. Depuis des siècles, dans ces pays de la mouvance de l’évêché de Metz, on parlait et on écrivait le français, c’était la langue des actes notariés. Pendant la domination allemande, elle s’était conservée. Un peuple qui garde son langage ne peut pas être asservi. Il conserve l’espérance.

 

J’avais rendu visite au vieux curé qui remplaçait l’instituteur allemand. Je l’aidais de temps à autre à faire la classe. Parfois, à la sortie du soir, avec les plus grands élèves, nous organisions de furieux combats de boules de neige…Je n’avais pas encore vingt ans.

 

Après dîner, j’assistais à la veillée. Un poêle de faïence énorme nous donnait sa chaleur. Des vaches, logées sous le même toit, ajoutaient la leur, lourde et odorante. Nous nous racontions des histoires. Des anciens, et ils étaient nombreux, se rappelaient le temps du Second Empire, les combats de 1870, notamment l’affaire de Sarrebruck. Ils m’interrogeaient sur Paris. Je devinais dans leurs voix et leurs yeux une émouvante satisfaction à renouer une conversation interrompue depuis plus de quarante ans. ».

 

 

La présence française se concrétise très vite par l’introduction du droit républicain en usage dans le pays, avec un pas de danse apprécié vers le droit local. On ne cherche pas d’emblée à froisser la susceptibilité des enfants de l’Est retrouvés.

La ligne bleue des Vosges s’estompe et va se perdre sur les eaux troubles et froides du Rhin.

 

La vie reprend ses droits : les Malgré-Nous rescapés retrouvent comme mineurs-paysans un travail dans les puits de la Société Sarre-et-Moselle et s’occupent de leur train de culture.

 

Mais que d’événements tragiques ont rétréci les cercles des familles, que de drames ont éteint la joie de vivre dans les yeux des mères éprouvées

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