La visite inattendue de Monseigneur le Duc de Choiseul à Ver Ebersvilr

 

A l'occasion du 245e anniversaire du rattachement  de Farébersviller au Royaume de France, la ville de Farébersviller a organisé, le 27 février 2011, un spectacle vivant en compagnie des Danseurs du Roy et de Monsieur le Maire Laurent Kleinhentz.

 

Duc de Choiseul

 

Dialogues du Bourgmestre et du Duc de Choseul:

Le Bourgmestre : Monseigneur Etienne-François, comte de Stainville et ducde Choiseul, Duc de Praslin (dont votre aïeul a succombé aux pralines, ces délicieuses amandes caramélisées) soyez, noble seigneur, le bienvenu dans notre église paroissiale consacrée depuis 1365 à notre saint Patron, Jean-Baptiste, dont nous fêtons la décollation et le martyre le dimanche suivant le 24 juin.

Duc de Choiseul : Pressons, pressons, bourgmestre ! Un bris de roue de mon carrosse m’a fait verser dans un de vos fossés mal curés longeant le Moulin-haut. Votre communauté sera à l’amende pour ce crime de lèse-majesté, 3 louis d’or ! Je viens de la citadelle Vauban de Bitche et je devais me rendre ce soir au château de la Duchesse Catherine Opalinska à Saint-Nabor (Saint-Avold), à un dîner princier aux chandelles où je devais annoncer…. Au fait, à combien de lieues de postes sommes-nous de ces merveilleuses agapes ?

Le Bourgmestre : A 3 lieues, à une heure d’attelage, Altesse. Mais comme vos chevaux sont exténués tant le fouet leur a caressé l’échine et que la réparation de cerclage de la roue par notre charron, Wagguener Jules, prendra le temps qu’il faudra, il vous est proposé, noble gentilhomme, d’assister à nos festivités de la Chandeleur, un concert ravissant qui ne manquera pas de vous charmer les oreilles. Car dès le Mercredi des Cendres, carême prenant, nous faisons pénitence durant 40 jours pour nous préparer au Paradis des Saints et éviter le Purgatoi…                      

Duc de Choiseul : Abrégez, abrégez vos patenôtres ! Oh, un concert ! Voilà une nouvelle qui m’agrée fort et m’enlève ma colère d’avoir dû rosser d’importance votre tavernier qui a servi à mon cortège une hooorrible vinasse. Pour réparation à l’outrage, nous lui avons percé gratuitement trois barriques de son nectar et vidé sa basse-cour. Oh, un concert ! Voilà qui adoucira mon courroux pour être devenu, sur ordre du Roÿ (Rouai), le 1er Cocher de la France, celui qui doit annoncer par monts et vaux, en cette année de l’an de grâce 1766, le rattachement du Duché de Lorraine au bon royaume de France. Ce vieux bougre de Stanislas Leszczyński a enfin rendu son âme…. et surtout son duché à notre Roÿ Louis XV, le Bien-Aimé.

Le Bourgmestre : Oh ! Quelle joie de nous savoir sujets de sa Majesté le Roÿ de France, nous sommes désormais des François (prononcez Françouais). Nous espérons que dans sa magnificence et grandeur notre Souverain nous allège du fardeau des impôts qui nous écrase. Car, sous le règne de feu le Duc, nous croulions sous les tailles, les impôts, les corvées.

Duc de Choiseul : Vil manant ! Comment oses-tu réclamer une amélioration de ton sort au Roÿ, au Roÿ de droit divin. Tu dois obéissance au Délégué de Dieu régnant sur le sol de France !

Le Bourgmestre : Excellence, permettez-nous, au nom de ma communauté et en mon humble nom, de néanmoins vous narrer nos servitudes et nos difficultés d’existence. L’an dernier, l’hiver affreux a fait sortir les loups de la forêt de Tèdïnggue, la bestiole a dévoré le p’tit Louis de Fluck le Kalkbrenner. Le pôôvre chaufournier n’avait pas de quoi payer le cercueil du chérubin, il vend sa chaux toujours encore au tarif de l’année 1580 ! Et nous, nous étions réduits à manger l’écorce et les racines des champs pour subsister alors que les impôts du Duché de Lorraine continuaient d’augmenter.

                              Comme la grêle, un déchaînement fiscal nous est tombé dessus.

Duc de Choiseul : Un déchaînement fiscal, ne vous en déplaise, est indispensable pour faire face aux crises politiques et aux nécessités légitimes du Duché. Depuis que Dieu a fait la Terre les souverains  prennent la monnaie sonnante et trébuchante auprès de la plèbe. Plus un âne est chargé, mieux il se porte !

Le Bourgmestre : Convenez pourtant, Messire, que nous sommes nés hères et pauvres diables et que nos dirigeants, sans une once de bonté, nous pressent comme le chou râpé et nous écrasent comme de vulgaires noix !

Duc de Choiseul : Ton impudence, Bourgmestre, frise l’insolence. Bon, étant dans une enceinte sacrée et plaise au Seigneur Dieu de Miséricorde, je veux bien encore entendre tes extravagances, rustre !

Le Bourgmestre : Depuis les chartes d’affranchissement qui ont racheté notre condition de serfs, nous devons payer en échange une ribambelle de charges. D’abord la rente, la Schafft qui est levée le 26 décembre, à la St-Etienne pour 9 francs-or et 12 gros d’argent en monnaie de Lorraine.

Duc de Choiseul : Cela fera maintenant 5 livres-or et 15 sols d’argent de forte monnaie françoise (françouaise), hé, hé, hé ( le Duc se frotte les mains)

Le Bourgmestre : Puis nous devons payer l’aide ordinaire de Saint-Rémy le 1er octobre pour les besoins croissants liés à la construction de son château de Lunéville.

Duc de Choiseul : Ha, ha, ha. Voilà une bonne surprise de financement que notre bon Roÿ ne   connaît pas depuis son Louvre !

Le Bourgmestre : Voilà peu, le prévôt du fermier général, le sieur de La Mothe (dont une des filles repose ici sous les bancs des dames), nous impose le paiement des aides extraordinaires à cause des frivolités ducales et des famines.

Duc de Choiseul : Sachez, vil roturier, que le Roÿ de France commande et que ses sujets lui obéissent ! Vous aussi, vous continuerez donc à verser au Trésor royal 3 gulden d’argent pour l’utilisation du four banal, à payer 2 quartes de blé et d’avoine plus un quintal d’oignons pour l’usage du moulin sous peine  de 60 sols d’amende. Les corvées gratuites de transport de bois seront maintenues, d’ailleurs vous serez surveillés par un maître-gruyer des eaux et forêts. Rassemblés au son du tambour, vous nettoierez les douves du château, curerez les berges du moulin, porterez les fagots…

Le Bourgmestre : Mais dans ce cas, il nous faudra délaisser nos propres productions et travailler pour une misérable miche de pain acide ! Messire, j’oubliais enfin de vous signaler que nous payons 3 sortes de dîmes (la grande, la menue et la novale pour les terres nouvelles mises en valeur) à régler à l’Abbaye de Saint-Avold , au chapitre de Hombourg-Haut et à notre brave curé Molitor. Savez-vous que cela représente 25 francs-argent, 80 quartes de bled, 2 pots de pois, 20 pichets de vin et 40 chapons.

Duc de Choiseul : Veux-tu que je te fouette comme un malandrin ? Sache que dans le royaume de France, tu  seras assujetti en sus, à la capitation (20 sols d’argent par membre au foyer), à la gabelle (impôt sur le sel) et à 10 sols de petite monnaie pour chaque fenêtre vitrée ! Tout contrevenant à l’ordre royal file aux galères où il est flétri par l’empreinte de la fleur de lys qu’on lui applique au fer chaud sur l’épaule ! As-tu encore des doléances ?

Le Bourgmestre : Non, Monseigneur l’Ambassadeur et sérénissime Secrétaire d’Etat, mais à force de saigner aux quatre veines le bon peuple, il se révol…

Duc de Choiseul : Je suis bon Prince, ce lieu sacré m’empêche, gredin, de te faire bastonner à coups de pralines !  J’aurai besoin d’une saignée ce soir, tant tu m’as mis le cœur en émoi, chenapan. Rejoins ta place ! Pour apaiser ma sainte colère, place maintenant au divertissement, place au spectacle !