Les cahiers de Doléances (source : ‘Farébersviller, hier et aujourd’hui’, ouvrage de M. Emile Hilt)
Toutes les paroisses du Royaume de France rédigèrent en 1789 des catalogues de vœux et de plaintes qui furent présentés au Roi par les Députés aux États généraux.
Ces cahiers rédigés avec foi constituent la première intervention du peuple appelé à participer à l’élaboration de son destin politique. Les cahiers sont unanimes à condamner l’absolutisme et réclament des réformes profondes. Leurs auteurs n’ont pas perdu leur confiance en la personne du roi Louis XVI.
On y relève surtout la profondeur des antagonismes sociaux qui déchirent la population française figée dans l’inégalité des trois « Ordres » : Clergé, Noblesse et Tiers-État.
Les privilégiés, clergé et noblesse, n’entendaient pas renoncer à tous les avantages financiers qui leur étaient acquis. Les cahiers rédigés par les bourgeois des villes comportent des plans précis de réorganisation de l’État. Les cahiers des villages sont plus modestes et se contentent de faire l’inventaire des impôts, charges et corvées qui écrasaient le pauvre peuple. En parcourant les pages des cahiers de Farébersviller, on peut se demander comment nos ancêtres ont pu survivre alors qu’ils étaient pressurés par la multitude de créanciers improductifs qui vivaient à leurs dépens.
Farébersviller, faisant partie du duché de Lorraine, est devenu français en 1766 à la mort du Duc de Lorraine, Stanislas Leszczynski (Leczinski), beau-père de Louis XV. Jusqu’à la mort du roi en 1774, les conséquences de sa politique désastreuse (Guerre de 7 ans, pertes de l’Inde et du Canada) augmentèrent la misère du peuple. Louis, dit le Bien-Aimé, était devenu un monarque détesté et responsable pour beaucoup de la chute de la royauté. Le mouvement philosophique contribua aussi largement à saper les idées d’autorité et fit comprendre aux Français, et même aux gans de nos campagnes éloignées de la capitale, à quel point les pauvres gens étaient grugés et par le Pouvoir et par les classes privilégiées.
Schmitt Nicolas, scholmaistre, fut chargé de rédiger lesdits cahiers locaux, validé par le greffier Nicolas Schmitt, le syndic Bartel Eyloff, le sheffen Johannes Sheno (Chenot) et Johannes Rurd, grand-maire (Homeyer) ainsi qu’une bonne vingtaine d’habitants.
Nous constatons l’absence de Jean-Baptiste Fotré, vicaire résident, qui n’est plus en odeur de sainteté auprès des paroissiens. En effet, la communauté se bat depuis plus d’un siècle pour obtenir le statut de paroisse, ce que lui contestent le curé de Béning et l’abbaye de Saint-Avold, grands bénéficiaires de la dîme. Et l’on peut supposer que par obéissance à sa hiérarchie, le vicaire se désolidarise de ses ouailles qui lui retirent les 10 quarts de céréales et lui refusent l’usufruit de terres labourables et de jardins.
Cahier de doléances, plaintes et remontrances dressés par les habitants de la Communauté du village de Fahrebersviller. (orthographe de l’époque)
1. La Communauté est très peuplé mais grandes parties de pauvres gens.
2. Le Ban, très petit grandes parties des montagnes pierreuses, roches et carrière, d’un petit produit cause que les eaux ont amené les meilleurs terrains des montaignes, grandes parties reste la friche à jamais.
3. Toutes des preys sec d’un petit produit cause que les habitants ne peuvent nourrir leur bestiaux nécessaire à cultiver leurs terres.
4. Il y a bien quarante ménages en ce lieu, qu’ils ont ny vaches, ny acune bestiaux faute de fourage.
5. Toutes les laboureurs sont cencier des terres appartenant aux habitans des villes et villages circonvoisins.
6. Les bois de ce Ban appartenant au Roy exceptés deux petit forrest d’environ 37 arpent ensemble appartenant à la Communauté. La Communauté avait droit de la veine et grasse pâtures dans les forrests Royale de ce ban et les bois mort et bois blans mais apresent toutes les bois sont taillées et les habitans sependant encore chargée d’une cence annuelle au Domaine pour la dite droits de paturer et la Communauténe tire plus les bois morts ny les bois blas suivant leur ancienne droit.
7. Les habitants ont aucune dousseur ny ressource à nourire leur bestiaux. Le selle serait très utile pour les bestiaux mais il estimpossible d’en donner au bestiaux causé qu’il est extrement chair Bien le double plus chaire qu’il a été du tems passé.
8. Les Estrangers ont le selle encore à Bon marchée et le conduisent hors du royaume, causent cependant une grande chereté au bois.
9. Le selle a déjà causée beaucoup de malheur au sujet du royaume, le gallaire mort et ruine des beaucoup de gens.
10. L’on s’en plainte amerrement au sujet des invantaires que les messieurs de les Bailliages font des frais considérables bien triste pour le parties qui restent mineur.
11. Les Inventaires sont encore surchargés par les huissiers brisser dont l’employ parait d’estre inutile par raison que l’on pourrait prendre des hommes dans les villages pour experts des meubles.
12. L’on se plainte des longue et frais exhorbitants de la justice qui entrainent la ruine des bien des familles.
13. La Communauté payant pour la présente année pour la subventionet ponts et Chaussée à 1299 livres 8 sols 6 deniers.
14. Et pour le vingtième à 519 livres.
15. L’on se plaint des nouveaux droits très honnéreuse aux habitans, comme la marque des cuires, ferres, payage, haut conduit, acquit a caution presque d’une village a Lautres.
Fait à fahrebersviller ce 8 mars 1789
Signés par les habitans sachant écrire
Bartel eyloff sindi
Johannes sheno sheffen
Johanes Rurd Homeyer
Johannes Lins
Jacob feyt
Jeann sheffmen
Casbar zavahr
Johannes mathis Mayer
Christoffel scheffman
Hannes adam Hulle
Peter Kop
Johannes metzinger
Leonart Karpd
Hanss michell mertz
Christoffel runt
Hans fillip Hulle
Gamich Elabang
Gristoggel Martin
Gristoff Nic Metzinger
Nicolas Schmitt greffier
Johannes adamy
Nicholas steinmetz
Johann mich Geisl
Johann mich kirch
Johannes Dofing
Natias Smitt
Görg Ollisius
Nickell Hulle
Görg Schmitt
Soit 29 habitants du village sachant signer de leur nom.